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Désert

Publié le par LilasNoir

« Lundi 5 octobre : Nous sommes prêts. La caravane partira cette nuit, avant l’aube, en franchissant les portes du désert. Mon excitation est à son comble, je ne sais pas si je parviendrai à trouver le sommeil. J’espère n’avoir rien oublié.

Mardi 6 octobre : Cette journée a été magnifique mais éprouvante. Bien que mon animal soit paisible, je n’ai eu de cesse de lutter contre la nausée, même si j’ai pris garde de n’en rien laisser voir. Je sens une sorte de méfiance des caravaniers vis-à-vis de moi, l’étranger, que je ne veux pas attiser.

Mercredi 7 octobre : Les hommes sont nerveux. Je les ai vu discuter entre eux à voix basse à plusieurs reprises. J’ai demandé à Ahmed ce qui se passait. Il m’a répondu en me désignant une zone rocheuse à l’horizon. Je n’ai rien vu d’autre qu’une flaque d’ombre. D’après lui, des cavaliers seraient tapis là-bas, qui nous observent.

Jeudi 8 octobre : Nous avons dévié de notre route pour nous éloigner de la zone montagneuse. La traversée sera rallongée de quelques jours mais nous avons suffisamment d’eau et de vivres. Le groupe est plus détendu et j’ai le sentiment, ce soir autour du feu, que je commence à en faire partie.

Vendredi 9 octobre : Nous avons été attaqués ! Ils ont surgi de nulle part, sabre au clair ! Mes souvenirs sont très confus : la peur, la bousculade, la sensation de chute… Impossible de savoir combien de temps je suis resté inconscient. Suffisamment pour qu’ils me croient mort et m’abandonnent seul au milieu du désert. Je suis en vie, mais pour combien de temps ? Il ne me reste rien, à part ce carnet que je gardais sur moi.

Lundi 10 octobre : J’ai retrouvé un dromadaire qui a du s’enfuir lors de l’attaque. Il s’est laissé approcher et monter. Je le laisse aller en espérant qu’il connaisse sa route et qu’il me conduise vers un oasis ou un lieu habité.

Dimanche 11 octobre : Nous n’avons pas rencontré âme qui vive, ni le moindre point d’eau. Ma monture continue à me porter sans rechigner, mais pour combien de temps ? La gourde trouvée sur elle sera bientôt vide, malgré mes efforts pour me rationner. Je n’ai pas idée de l’endroit où nous sommes. Mes rêves de désert se sont transformés en cauchemar.

Lundi 12 octobre : Je vois quelque chose à l’horizon, mais n’est-ce pas le fruit de mon délire ? La gourde est vide depuis plusieurs heures. L’animal refuse d’avancer. Que faire ? L’abandonner ici et continuer à pieds vers ce que mon esprit fatigué s’acharne à me faire imaginer comme étant une ville ?

Mardi 13 octobre : J’ai marché une bonne partie de la nuit, accompagné par la lune qui jetait sur le désert un voile fantomatique. Je suis arrivé devant ce qui est bel et bien une construction humaine, un mur d’enceinte renfermant dieu sait quoi. L’endroit semble dépourvu de vie. Un message est gravé sur l’arche, à l’entrée, mais la langue est ancienne et des années de lutte contre le sable du désert l’ont rendu quasiment illisible. Je m’apprête à y pénétrer. Aucune autre alternative n’est mienne.

Mardi 13 octobre (plus tard) : C’est un labyrinthe. Pourquoi diable a-t-il été érigé ici, au milieu du désert ? Je regrette de ne pas avoir pris le temps de déchiffrer le message de l’arche, mais il est trop tard maintenant. Voilà des heures que j’erre entre ces murs d’ocre. Rien ne vit ici. Le dernier être vivant à y avoir pénétré avant moi était certainement le renard des sables dont j’ai découvert les ossements un peu plus tôt. La nuit va tomber. Je reprendrai la marche demain, s’il m’en reste la force.

Mercredi 14 octobre : J’ai eu la tentation de rester où j’étais pour attendre la fin. Mais non, ce n’est pas possible. Il y a forcément quelque chose ici, quelque chose d’extraordinaire. Pourquoi sinon construire un tel édifice ? Je dois éclaircir ce mystère, dussé-je y laisser la vie ou la raison.

Jeudi 15 octobre : Je n’y croyais plus, mais il est là, devant moi ! J’ai atteint le cœur du labyrinthe, cela ne fait aucun doute. A première vue, il ne s’agit que d’un puits, mais je le sens palpiter, je le sens vivre, je l’entends qui m’appelle. Je n’ai pas osé m’approcher, pas avec mon corps et mon âmes impurs. J’ai décidé de tout abandonner ici, mes vêtements, ce carnet, et de m’approcher tel qu’au jour de ma naissance. C’est ici que tout commence. »

C’est ainsi que s’achève le mystérieux carnet, trouvé par hasard par un jeune nomade qui avait fait halte près d’une formation rocheuse sculptée par les éléments de façon si géométrique qu’on aurait pu, de loin, la croire d’architecture humaine. Aucune trace d’une présence humaine récente n’était visible. Il n’y avait rien d’autre en cet endroit que les os blanchis d’un fennec qui, probablement perdu ou blessé, était venu terminer sa vie à l’ombre des rochers.

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